Suite de notre débat sur Parlons Sports. Nous examinons avec Amaury Maisonhaute quelles sont les chances pour Ferrari de revenir au top de la discipline. C’est actuellement la trêve estivale pour les écuries de Formule 1, une période de quinze jours ou tout développements, est interdit. Réglementairement, la FIA contrôle que chaque mails professionnels, chaque ordinateur soit arrêté. Cependant, si les ingénieurs et mécaniciens sont en vacances, Parlons Sports ne fait pas de pause. Et sous forme d’une confrontation de points de vues, nous continuerons à décortiquer l’actualité de la F1. Entre l’arrivée de Daniel Ricciardo chez Renault, le rachat de Force India par Lawrence Stroll, milliardaire Canadien qui a fait fortune avec l’importation au Canada de Ralph Lauren, l’avenir d’Alonso… les sujets de débats ne manquent pas.
Première étape, Ferrari. Si Mercedes a gagné les quatre derniers titres pilotes et constructeurs, la Scuderia Ferrari n’a jamais semblé aussi proche de renouer avec la victoire qui la fuit depuis 2008.
Après avoir disséqué la personnalité de ses pilotes et notamment son leader, Sebastian Vettel et ses capacité à décrocher le titre mondial, nous nous intéressons à la voiture alignée par la Scuderia : la SF71H.
La SF71H, monture 2018 de Ferrari rivalise-t-elle avec la Mercedes W09 ?
Amaury Maisonhaute : Les performances actuelle de la Scuderia Ferrari est le fruit du travail souvent acharné de l’équipe d’Alonso avant son départ fin 2014. Ferrari devait se reconstruire avec l’arrivée du célèbre ingénieur britannique James Allison en 2014 mais la lourde pression de tirer Ferrari vers le haut l’a contraint a quitter Maranello en 2016. Est-ce le déclic pour Marchionne, Président de Ferrari? Beaucoup de choses ont ainsi changées en interne. La promotion de Mattia Binotto au poste de directeur technique, la responsabilité des moteurs à Lorenzo Sassi et les millions de dollars investi dans une nouvelle soufflerie sont le début de cette nouvelle ère. Une autre politique est instaurée en promouvant les idées des uns et des autres, une stratégie participative basée sur la créativité, les proposions et sur la réserve a permit à Ferrari de prendre un nouvel élan. Une première dans le clan des rouges ! A l’amorce de la saison 2017, aucunes d’informations ont fuités à la presse. Maurizio Arivabene, directeur sportif de l’écurie de Maranello a interdit de parler à la presse, ni Marchionne le grand patron, ni les pilotes ne devaient déclarer toute informations sur la monoplace. Un travail dans l’ombre qui a surprit le paddock.
Ce changement radical doit sa réussite actuelle à une excellente base de 2017.A l’image de la saison 2017, la Ferrari et la Mercedes sont des monoplaces relativement différentes malgré leurs performances proches. Leurs qualités sont également des défauts. Le calendrier est composé de 21 courses avec des circuits dans le monde entier ce qui implique des conditions climatiques différentes et des tracés différents.
Sans parler du bloc moteur où Ferrari aurait dépassé le terrible moteur Mercedes (malgré un retard certain fin 2017), il est intéressant de s’attarder sur le châssis. L’espace entre les pontons et les roues avant, endroit où les flux d’air sont accélérés et génèrent de l’appui, est très important chez Ferrari. La Scuderia a réussit en 2017 à bénéficier d’un espace important sans rallonger l’empattement de sa monoplace contrairement à ses rivaux ce qui constitue un avantage certain sur des tracés sinueux. Pour faire simple, elle bénéficie d’une monoplace courte avec un appui aérodynamique élevé. L’empattement “plus court” de la Scuderia Ferrari à des avantages certains. Le fait d’avoir une monoplace moins longue permet aux pilotes d’aborder les virages sinueux à une vitesse plus élevée que ses rivaux. Sur des tracés tels que Monaco, Singapour ou encore le tourniquet hongrois, la Scuderia arrive en favori par rapport à Mercedes. Sa capacité à conserver ses gommes lui offre un avantage considérable en course en adaptant des stratégies que Mercedes ne peux pas envisager. Vu sous cet angle, cette voiture semble quasiment idéale?
Mais non, la Ferrari a certes redressé le tir en qualifications mais LA voiture en qualifications reste la Mercedes. Malgré la capacité a mieux exploiter ses gommes en course, ses difficultés à faire monter en température les gommes en qualifications désavantage fortement les pilotes. Sur un tracé où la Mercedes et la Ferrari font jeu égal, les flèches d’argent s’élanceront en qualifications avec des pneumatiques à températures idéales ce qui favorisera l’amorce des premiers virages. Concluons que la SF71H est largement au niveau de la W09 et, ce qui est le plus important, est sur la pente ascendante.
Nicolas Martinet : Cette SF71H est incontestablement au niveau. Le bloc propulseur italien est celui qui a le plus progressé depuis l’introduction des V6 turbo hybrides en 2014. Surtout, le châssis a lui aussi beaucoup évolué. L’un dans l’autre, le package Ferrari est très redoutable.
Pourtant cela n’était pas gagné car Ferrari a connu des turbulences en interne. Sergio Marchionne s’est livré à une très large restructuration. De nombreux ingénieurs sont partis comme Pat Fry, Nicholas Tombazis ou Aldo Costa. James Allison, un très brillant technicien qui est arrivé en 2014 et est parti en juillet 2016, en pleine saison. C’est Mattia Binotto qui l’a remplacé en tant que directeur technique. Cependant, Mattia Binotto est surtout un ingénieur moteur. Les experts ont vite douté de ses capacités à pouvoir dessiner une bonne voiture. Or, force est de constater qu’en s’appuyant sur les forces de son moteur, Mattia Binotto a réussi a créer une voiture qui exploite bien les pneus, plus efficacement que la Mercedes sur une majorité de circuits. La voiture fonctionne bien, les différentes évolutions apportent les résultats escomptés. C’est une réussite car le succès réside dans la capacité de la voiture à ne pas détruire les pneus Pirelli qui ont une fenêtre d’exploitation très étroite. La Ferrari y arrive mieux et plus longtemps que la Mercedes.
Si la voiture est au niveau, la partie la plus compliquée à gérer et l’exploitation en piste. Il ne faut pas faire d’erreurs sur les week-end de course, éviter les problèmes de fiabilité. Jusqu’à présent, Mercedes a toujours semblé plus professionnelle, capable de bien réagir en cas de difficulté. Elle a profité des déboires post-Singapour 2017. Cette année, c’est Mercedes qui est exposé à la pression imposée par les progrès de Ferrari. Ils ont retardé une évolution moteur en France qui était prévue pour le Canada 15 jours plus tôt. Ils ont eu des problèmes de fiabilité qui les ont contraint à un double abandon en Autriche, une première depuis le crash de Barcelone en 2016. Le doute change de camp. Ils ne connaissaient pas ces soucis d’exploitation. Cette saison est très ouverte.