Effluve de stade n°1
Luzenac, “tenue correcte exigée”. Lens, “venez comme vous êtes” – Récit d’un scandale
En parcourant le net pour faire mes recherches, j’ai trouvé dans cette affaire certains éléments absolument inexplicables. Je tiens personnellement à féliciter les journalistes, les blogueurs, qui ont pointé du doigt cette véritable dérive du football français.
Jeudi 29 janvier 2015. Tremblement de terre dans le Pas-de-Calais. Le tribunal administratif de Besançon invalide la montée du Racing Club de Lens. Le 28 juillet 2014, la Fédération Française de Football allait à l’encontre de la décision de la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) en laissant le RC Lens accéder à la Ligue 1. Sauf que dernièrement, c’est la justice qui a annulé cette décision se ralliant à la décision de la DNCG. La DNCG est ce gendarme financier du football français chargé de la surveillance des comptes des clubs français et opère depuis 1984.
Ses derniers rapports concernent deux clubs qui se voyaient refuser l’accès en division supérieure : Le Luzenac AP pour la ligue 2 et le RC Lens pour la ligue 1. Vous l’avez compris, un seul de ces deux clubs subira cette interdiction… Récit d’un scandale où le football français se voit gangréné par des tractations douteuses et de petits arrangements entre amis.
On peut tout d’abord mettre sur la table des décisions aussi incompréhensibles que contradictoires. En effet, la DNCG avait bien des raisons de s’interroger sur la situation du RC Lens. Hafiz Mammadov, l’homme d’affaire azerbaïdjanais actionnaire du club depuis 2013, annoncé comme l’homme providentiel d’un club à bout de souffle devait verser 10 millions d’euros réclamés au club artésien par la DNCG. Le président Gervais Martel a lamentablement essayé de trouver des explications à cette somme qui visiblement avait bien du mal à déterminer l’itinéraire Bakou-Lens : un jour à cause de coordonnées bancaires erronées, le lendemain en raison de la fête nationale azérie… Martel a beau eu faire les poches de son millionnaire fauché, et sourire niaisement pour apaiser la DNCG, il a dû se résigner : les fonds n’arriveront jamais. Monsieur Mammadov, proche du dictateur Ilham Aliyev, fut sans doute froissé de voir une commission impossible à corrompre ou de faire taire comme les pratiques azéries le veulent chez ces gens là. Mais alors comment expliquer que Lens soit quand même monter en première division ?
Est apparu alors le Centre National Olympique et Sportif Français (CNOSF). Ce représentant du mouvement sportif en France est chargé dans ces cas là, de trouver une médiation entre le club et la DNCG. La fédération est censée prendre en compte les rapports émis. Il a réussi à ramener la somme des 10 millions exigée par la DNCG à 4 millions. Le mendiant Martel affirmera alors que les 4 millions ont été versé. Il n’en est rien, mystère d’un virement qui n’a jamais vu le jour. Ce virement était-il un faux ? Un moyen de gagner du temps ? Permettez moi de douter.
En ce qui concerne Luzenac, le CNOSF a décidé d’accepter sa montée en Ligue 2 sans présenter aucun obstacle. Réfléchissons un instant : nous sommes en face d’un club qui doit 4 millions après révision du dossier de la DNCG par le CNOSF et un club qui après révision de la décision toujours, ne doit rien et peut normalement accéder à la division supérieure. Encore une fois, vous n’êtes pas sans savoir que c’est celui qui doit de l’argent qui montera. Lens a bel et bien bénéficié d’un traitement de faveur par rapport à Luzenac. Comment ces faits ont-ils pu déboucher sur un dénouement si improbable ?
Face à de tels questionnements qu’il est important de saisir, il a fallu chercher des réponses. On peut voir un début de piste en s’orientant vers la scène politique. Nicolas Bays, élu socialiste du Pas-de-Calais, a envoyé un message au Président de la République pour le prévenir des risques pour la région qu’engendrerait un refus de montée du RC Lens. Le Président, serviable avec ses amis a répondu qu’il s’occuperait de la situation. Rassuré, le député Bays affirma qu’en cas de maintien en Ligue 2 prononcé par la ligue, le Président oeuvrerait pour la région de manière à ce qu’elle ne connaisse pas un réel déclin. Cela aurait conduit à débloquer des comptes, offrir de l’argent, néanmoins personne ne m’empêchera de songer que quelques coups de fils bien intentionnés ont évité bien des dépenses, bien des chamboulements. Etrangement, le club qui devait être repêché si le RC Lens avait dû rester en Ligue 2, c’était Sochaux. Le député de la 4ème circonscription du Doubs qui n’est autre que Pierre Moscovici, homme qui à cette époque bataillait pour monter sur le trône de commissaire européen. Que Sochaux se maintienne ou descende, il semblerait que ce fût le cadet de ses problèmes… De plus, les instances du football français prennent leur propre décision et contournent leur propre règlement pour conserver de belle amitié entre président de ligue et président de club qui est aujourd’hui un poison du football français. On ne peut plus douter de la liaison Martel – Thiriez et Le Graët, président de la LFP et président de la FFF. Le club de Châteauroux, qui devait descendre avec la montée en Ligue 2 de Luzenac a été repêché. Il a été repêché, et ce avant même de connaître la décision du CNOSF ! Sauf que le CNOSF a établi que Luzenac avait les épaules assez large du point de vue financier pour jouer en Ligue 2. Bien embarrassé, le couple Thiriez – Le Graët a maintenu que leur décision était justifiée en mettant en avant un manque d’infrastructure de Luzenac qui permettait de ne pas agacer la vice-présidence de Michel Denisot, sûrement proche de ceux qui tirent habilement les ficelles du football français de manière à ce qu’elles ne cèdent pas.
On peut également s’interroger sur le rôle de la presse dans cette histoire. Tout était là dans cette histoire : un investisseur étranger, un gros club, un tout petit club, de l’argent, la ligue, la DNCG, bref tout ce qu’un journaliste peut exploiter pour faire un papier. Mais rien. On peut néanmoins souligner Vincent Duluc de l’Equipe ou Daniel Riolo de RMC qui ont dénoncé la différence de traitement de Lens et de Luzenac. Pour le reste, rien. Est-ce que nos médias sont aveugles ? Ou plutôt, la presse avait-elle des consignes ? Etait-ce délibéré de fermer les yeux ?
Face à ces combines qui sautent aux yeux, on peut rappeler que Monsieur Thiriez est avocat publiciste de profession. Autant dire qu’il connaît le droit : par conséquent, soi il est complètement incompétent, soi il a violé les règlements en sachant tout à fait ce dont il était question. En ce qui concerne Monsieur Le Graët, c’est encore plus grave : ce dernier est celui qui a bâti la DNCG. Il y voit sans doute un bon argument afin de violer son règlement ou de le suivre suivant ce qui l’arrange.
On ne peut jeter la pierre sur les supporters lensois, les Red Tigers qui laissaient éclaté leur colère le week-end dernier à Caen. Leur club est dirigé par des personnes au bout du rouleau, je pense évidemment à Gervais Martel, ou des personnes sur qui on ne peut plus compter, je pense à Hafiz Mammadov dont les promesses financières sont utopiques. Sans aucune solution, Martel a essayé de faire jouer de ses relations pour éviter que la flamme du football lensois ne s’éteigne. Malheureusement, on est très loin des valeurs du club artésien, véritable monument de la Ligue 1 notamment grâce à un public d’exception.
Antoine Kombouaré pour réagir à la décision du tribunal administratif avait expliquait : “Et puis Sochaux me fait rire. Ils sont descendus car ils étaient mauvais. Et nous sommes montés sportivement car nous avons été bons. La réalité pour Sochaux, c’est que ce club est en Ligue 2 et se bat pour monter. Nous, on se bat pour se maintenir. Après si certains veulent récupérer de l’argent via les procès contre la Ligue ou la Fédé… Ils font ce qu’ils veulent. Mais moi, ça m’emmerde”. Le club de Lens est monté car ils ont été bons, oui Antoine. Néanmoins, Luzenac a été bon aussi. Vu les piètres résultats du RCL ces derniers temps, il aurait sans doute mieux valu que les choses se passent dans les règles. Quand en 2009, Thierry Henry met la main pour envoyer les bleus en Afrique du Sud, il m’amuse de l’identifier à Martel qui se démène et triche pour envoyer le RCL en Ligue 1. Dans les deux cas, le résultat est catastrophique. La justice refait toujours surface. Si l’appel interjeté par la FFF est rejeté, ce jugement doit être le moyen de purger le football français de cet environnement vomissant qui règne sur ses instances. Les méthodes et les pratiques des élites du football français doivent être éradiquées du sport. Le football n’est pas une discothèque qui choisit sa clientèle par l’alternative d’un videur délivrant des critères approximatifs.
Yannis Guillermin