De ses débuts en tant qu’entrepreneur à sa deuxième expérience actuelle de président de la Chorale de Roanne, Emmanuel Brochot répond à tous les sujets en misant sur une nouvelle structuration du club pour l’avenir.
Emmanuel, comment et pourquoi vous être lancé dans le monde de l’entreprenariat ?
E.B. : “Je pense que c’est dans mes gènes. J’ai tout simplement cette volonté d’entreprendre. Je pense que ce qui m’a donné la hargne pour réussir, c’est le vélo, ma première passion. J’en ai fait pendant 10 ans en compétition. Dans le cyclisme, comme dans d’autres sports, on est tout seul dans l’effort. On a pas d’autres choix que d’aboutir, comme quand il faut monter un col par exemple.”
Quel type de coureur étiez-vous ?
E.B. : “J’étais un coéquipier modèle. Je n’avais pas les qualités athlétiques pour aller plus loin même si j’ai gagné quelques courses en cadet et junior. J’adorais me faire mal pour les autres et c’est vrai que cette jeunesse que j’ai eue autour du sport, avec la volonté de me battre et de réussir, m’a aidé après. J’ai la chance d’avoir cette âme d’entrepreneur où je me pose peut-être moins de question quand il faut décider d’y aller ou pas.”
On fait souvent le parallèle entre le sport et l’entreprise, êtes-vous d’accord avec ça ?
E.B. : “Il y a beaucoup de passerelles, c’est vrai. En entreprise, on maîtrise quand même plus de choses. Il y a des produits, des process… Dans le sport, la matière, c’est l’homme et par nature il n’est pas saisissable. L’homme pense et réagit, c’est ce qui fait le charme du sport où tout est permis, les échecs aussi. Ce n’est pas simplement en mettant les ingrédients qu’on va réussir à avoir la bonne recette à la fin.”
Racontez-nous comment vous êtes arrivé à la Chorale ?
E.B. : “Je ne suis pas d’ici, à la base, je viens du Creusot. J’étais salarié de l’entreprise chez Valentin Traiteur avant de la reprendre. Tout le monde parlait de la Chorale, du jeudi avec le match du week-end jusqu’au lundi où on débriefait celui qui était passé. Je n’étais pas trop basketteur mais je m’y suis intéressé. J’ai pris quelques places pour récompenser mes salariés, puis on a pris une loge et, au début des années 2000, on est devenu un partenaire plus important. Mon ADN d’entrepreneur m’a fait entrer au comité directeur du club puis à la présidence en 2006. Tout s’est fait naturellement.”
De 2006 à 2013, vous êtes président de la Chorale. Cela implique quel engagement pour vous ?
E.B. : “C’est l’une des autres différences avec l’entreprise, c’est qu’un club il n’appartient à personne. Il est au territoire. Alors oui, ça dégage de l’image, surtout quand on a presque 5000 personnes qui viennent à chaque match, ça met une pression mentale qui est assez forte. Mais on doit être capable d’encaisser et de transformer cela positivement pour nos équipes. J’ai eu deux expériences de président avec la Chorale. La première, j’étais beaucoup dans l’opérationnel. La seconde, actuellement, je suis plus dans la structuration du club. Je mets une organisation aujourd’hui à la Chorale qui est encore plus dédiée avec un directeur général, demain un directeur sportif, pour que le club puisse être autonome au quotidien et puisse prendre les bonnes décisions dans la ligne de conduite que j’ai fixé en l’occurrence.”
Vous êtes un personnage important du tissu économique roannais, il y a également une posture à garder ?
E.B. : “Je ne me prends pas la tête. Je ne suis pas un homme de scène. Ce qui m’intéresse, c’est de relever les challenges, de les réussir et d’être proche des hommes. Ma personne n’est pas quelque chose qui me fait vibrer les matins quand je me lève. Ce qui me fait vibrer, c’est que mon entreprise avance, que la Chorale avance. Aujourd’hui, on repart en Pro B, je suis tenté de dire “quel bonheur !”. On va se restructurer, se réorganiser et choisir notre destin.”
Qu’est-ce que représente la Chorale de Roanne pour vous aujourd’hui ?
E.B. : “Si je devais résumer, je dirais que c’est un accélérateur d’émotion. Des bonnes et des mauvaises. Il n’y a que dans le sport que l’adrénaline monte très fort. On a pas ça ailleurs. Quand on est impliqué comme je le suis, on vit des moments d’émotions qui sont très forts.”
Que retenez-vous de cette saison 2023-2024, finalement très éreintante pour tout le monde avec notamment la descente au bout ?
E.B. : “Cela va paraître surprenant mais c’est une saison très riche. J’ai appris plein de choses. Dans le sport, la passion l’emporte sur la raison. Il fallait remettre les pendules à l’heure. Un club de sport professionnel, s’il veut durer dans le temps, doit avoir un minimum d’organisation professionnelle. C’est ce qu’on a perdu à la Chorale. On est resté à un statut peu ou pas structuré. Cette saison a mis en évidence toutes ces erreurs, notamment dans l’organigramme. On y voit beaucoup plus clair aujourd’hui. On sait où on veut aller et ce qu’on doit faire pour y parvenir. Que ce soit demain ou après-demain, c’est un autre sujet. La Chorale doit rester un pilier du sport de haut niveau sur le territoire et, à court terme, qu’elle redevienne un club de l’élite français.”
Comment reconstruire après une descente ?
E.B. : “Aujourd’hui, le club est en Pro B. Nous avons beaucoup débriefé nos erreurs. Je suis quelqu’un qui ne sait pas attendre. On est en train de finaliser le recrutement d’un directeur sportif. Maintenant, toutes les compétences que nous avions concentrées sur une seule personne seront réparties sur plusieurs. C’est le modèle qu’il faut en 2024. Je n’ai pas d’avis sur ce qui est mieux, mais aujourd’hui avoir un homme fort avec plusieurs casquettes, c’est rare et ça peut être dangereux dans certains cas. Comme en entreprise, on va chercher les compétences là où elles sont. On aura un médecin du sport, un préparateur physique, un préparateur mental pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions pour qu’il puisse faire leur job sur le terrain.”
Thomas Andrieux est le nouvel entraîneur de la Chorale, pourquoi ce choix ?
E.B. : “J’ai beaucoup vu l’entraîneur. Je pense qu’un coach est quelqu’un avec qui on doit avoir des relations humaines de confiance. J’ai décelé en Thomas cette qualité et ce feeling. C’était la personne de confiance sur le domaine sportif pour coacher l’équipe, et sur le côté technique quelqu’un avec qui on a projeté une façon de travailler. Avec Thomas, on aura un jeu avec un système défensif qui se projette vite vers l’avant, un peu ce qu’on voit en Espagne. Roanne, ses partenaires et son public, a besoin d’un basket où on marque des points. Il y aura aussi une importance mise sur notre centre de formation avec une nouvelle façon de penser. Il a cette capacité à intégrer les jeunes. On doit obligatoirement traiter le sujet de nos pépites. Le centre de formation, c’est un budget de 500 000 euros. Il doit rapporter et nous faire économiser sur le long terme. On va faire différemment de ce qui a été fait sur les 20 dernières années.”
Le public, justement, et les partenaires, pensez-vous qu’ils répondront présent en Pro B ?
E.B. : “C’est une question qui nous a un peu mis en stress au début. L’engouement autour du club n’a pas baissé, il a peut-être même augmenté. Tous les partenaires sont derrière nous, on aura certainement une légère croissance. Je pense que ce qui intéresse tout le monde, c’est d’avoir un spectacle avec de vraies valeurs. C’est le cas avec le projet Chorale. On rattrape les erreurs de ces 12 derniers mois. Tout le monde adhère et je ne suis pas du tout inquiet sur le budget des mois et des années à venir.”
Vous avez évoqué le directeur sportif, quelle va être sa mission ?
E.B. : “Il va être en veille permanente sur son réseau et on souhaitera qu’il l’utilise pour des joueurs en cas de blessure. Ce qui est certain, quand il arrivera, il travaillera sur la saison 2025-2026. Il doit être en capacité de proposer au coach ce que ce dernier souhaite. Aussi, il va devoir manager les joueurs en dehors du terrain pour qu’ils soient dans les meilleures conditions pour jouer. Faire respecter le règlement du club, le respect de l’image sur et en dehors du terrain, les tenues vestimentaires, les obligations auprès des partenaires… C’est le job des joueurs mais ils ont des droits et des devoirs et c’est au directeur sportif de faire respecter cela.”
Côté effectif, conserver un joueur comme Antoine Diot pour ce nouveau projet, c’était important ?
E.B. : “C’était primordial pour moi. Le projet est partagé avec Antoine. Il a de l’expérience, c’est un vrai joueur de basket. Il peut fédérer, orienter et accompagner les jeunes joueurs. Antoine a une aura qui est importante vers le grand public, les abonnés et les partenaires. C’est une plus value sur le terrain et en dehors. Pour moi, il est un accélérateur d’énergie pour ses coéquipiers.”
Vous avez beaucoup investi à la Chorale depuis votre arrivée, jusqu’où souhaitez-vous aller ?
E.B. : “C’est assez simple. Quand on dirige une entreprise, on investit dans son territoire. Pour certains, c’est dans l’art, dans l’automobile ou ailleurs. Moi, c’est dans le sport. C’est tout naturel d’investir pour mon territoire. Roanne sans la Chorale serait bien différente. Le groupe Valentin Traiteur est le ou l’un des plus grands sièges privés du territoire avec plus de 300 millions d’euros de chiffre d’affaire, 1300 salariés et 8 sites de production dans la région AURA. On doit être présent. Aujourd’hui, l’ensemble de mes collaborateurs s’y retrouvent et s’identifient auprès de la Chorale. C’est un levier sociétal et social pour l’entreprise.
Vous expliquiez précédemment être natif du Creusot, vous considérez-vous Roannais aujourd’hui ?
E.B. : “Je suis Roannais à 2000%. J’adore ma ville, mon territoire. Je ne ferais pas tout ça avec la Chorale si je ne l’aimais pas autant.”