Alors que le football s’enlise dans des polémiques d’arbitrage mettant encore plus à mal son image, il devient urgent de réformer les règles du jeu. L’intronisation de la vidéo apparaît de plus en plus inéluctable à condition qu’elle soit maîtrisée.
Chaque week-end, c’est la même histoire. L’arbitrage est au cœur des débats. “Il faut remercier l’arbitre”, “Ils ont joué à 12 ce soir”, … . Les entraîneurs de Ligue 1 ne se privent jamais d’accabler les hommes en noir plutôt que de souligner les défaillances de leur équipe. Le match Montpellier-Marseille (1-1) de dimanche dernier en a encore été la preuve. Bien sûr, il existe des arbitres meilleurs que d’autres mais la question est de savoir aujourd’hui si ces derniers ont tous les moyens en main pour juger correctement. Clairement, la réponse est non. L’incapacité pour les dirigeants du football mondial à faire évoluer les règles et à mettre en place de nouveaux outils à disposition de l’arbitre (vidéo) sont les conséquences de ce qui arrive le week-end sur les terrains.
Le constat est d’autant plus criant lorsque l’on fait la comparaison avec d’autres sports et notamment le rugby. Le football est à des années-lumière du ballon ovale dans sa capacité à se réformer. Et il n’est pas question ici d’opposer les valeurs, débat aussi stérile qu’inutile. Le rugby possède en effet des règles qui évoluent sans arrêt pour mieux optimiser le jeu tout en conservant la crédibilité et l’autorité du corps arbitral. Tout le contraire de l’immobilisme qui habite le football. Et lorsque les choses bougent, cela ressemble plus à du paraître que du concret.
Un seul consensus : la Goal-line technology
Michel Platini, fervent militant anti-vidéo, a longtemps promu l’arbitrage à 5 qui est pourtant, disons-le, un bel échec. Quelle est l’utilité de ce 5e personnage du corps arbitral hormis d’être un piquet derrière les buts ? Son apport réel reste sujet à débat. Autre gadget sorti du chapeau de la FIFA : Le spray temporaire. S’il a suscité un grand intérêt au moment de son intronisation, il est légitime de se demander si il n’y avait pas plus urgent sachant que les joueurs ne le respectent d’ailleurs pas tout le temps. La seule réussite approuvée désormais par tout le monde est la Goal-line technology (GLT). Inaugurée durant le Mondial 2014 au Brésil, elle est devenue incontournable et presque un spectacle tant les joueurs et les spectateurs s’en remettent à elle lorsque le doute subvient si la balle a franchi ou non la ligne de but. Il est d’ailleurs incompréhensible de voir que la fédération espagnole n’a toujours pas adopté la GLT (la seule parmi les 5 grands championnats européens) produisant des injustices énormes comme lors du but de Lionel Messi non accordé face à Valence, le 26 novembre dernier, alors que le ballon était… 1 mètre derrière la ligne.
Il apparaît donc de plus en plus urgent de réformer le football et cela passe en premier par les règles du jeu. Voici quelques pistes mises sur la table :
- Arbitrage vidéo : Dans un monde moderne comme le nôtre où tout est connecté et retransmis, comment ne pas profiter de la technologie pour plus de justice sur le terrain ? Parmi les arguments de ces détracteurs, la déshumanisation du sport ainsi que l’allongement des matchs. La vidéo n’a pas vocation à remplacer l’arbitre mais à l’épauler en cas de situation litigieuse quand la vitesse réelle ne permet pas de prendre une bonne décision. L’arbitre serait toujours le principal décideur puisque c’est lui qui choisirait d’y faire appel et aurait de toute façon le dernier mot. Elle ne s’appliquerait que pour les fautes dans la surface ou l’identité d’un joueur coupable d’une grosse faute mais pas les hors-jeux, trop fréquents. Avec pour conditions que la vidéo soit maîtrisée et encadrée, le football aspirerait à être plus juste et plus moderne. (NB : Le président de la FIFA, Gianni Infantino, a annoncé qu’il souhaitait que l’arbitrage vidéo soit présent à la Coupe du monde 2018 en Russie. Cependant, il reste soumis à la validation du Board, l’instance garante des règles du football).
- Exclusions temporaires : Il existe des situations où le carton jaune est insuffisant et le rouge trop sévère. On parle alors de carton « orangé ». Alors quoi de mieux que de renvoyer au chaud un joueur énervé pour qu’il se calme et revenir avec un meilleur état d’esprit. Tout le monde y gagnerait : l’arbitre (débarrassé d’un joueur trop nerveux sans l’exclure), le jeu (plus ouvert car plus d’espaces) et le public (plus de spectacle donc). D’autant plus que sachant qu’ils pénaliseraient leurs coéquipiers respectifs, les fautifs auraient tendance à mieux maîtriser leurs nerfs et donc moins hacher le jeu. La durée d’exclusion devrait être fixée entre 10 et 15 minutes pour qu’elle ait une réelle utilité sans être disproportionnée (rugby : 10’ mais match de 80 minutes).
- Sonorisation des joueurs par les arbitres : Déjà expérimenté en finale de Coupe de la Ligue, la sonorisation permettrait d’entendre tout ce qui se dit autour de l’arbitre. En effet, cela permettrait de mieux comprendre ses décisions ou la façon dont il les prend. De plus, alors que l’on sait que les insultes et les invectives fusent sur le terrain (cf. J+1), le fait de savoir qu’ils sont entendus inhiberait en quelque sorte les joueurs et les obligeraient à faire plus attention à ce qu’ils disent, soucieux de leur image. Enfin, cela permettrait au spectateur de vivre encore plus le match, façon « inside », idéal pour les retransmissions TV.
- Gain de distance si contestation : On le sait, il y a trop de contestations dans le foot. Et malgré la menace du carton jaune, les joueurs ne semblent jamais vouloir s’arrêter. L’arbitre, ne pouvant sortir le rouge et donc désarmé, est contraint alors de subir les paroles intempestives des joueurs. Pourtant, un moyen de dissuasion existe. Comme au rugby, pourquoi ne pas accorder un gain de distance s’il s’agit d’un coup-franc et que les adversaires contestent ? Devant l’arme fatale que représentent les tireurs de coup-franc dans le football moderne, les contestataires seraient résolus de se taire au risque de mettre en danger leur gardien.
- Pas besoin d’attendre son coéquipier, sortir complètement du terrain lors d’un remplacement : Qu’est ce qui justifie encore ce protocole ? Le terrain est assez grand et les arbitres suffisamment vigilants pour vérifier qu’il y ait le bon nombre de joueurs sur le terrain. De plus, cela casse le rythme et ralentit le match. Finies donc les polémiques où le joueur sortant prend tout son temps pour faire tourner la montre. L’entrant n’a plus besoin de l’attendre depuis la ligne et peut directement rentrer sur le terrain avec un simple accord verbal de l’arbitre. Le jeu peut donc reprendre plus vite.
- Interdiction de toucher l’arbitre : Aucune situation ne justifie de toucher l’arbitre. Même amicalement. L’arbitre est l’autorité et pour l’incarner, il faut instaurer une distance. Si la gestuelle est importante dans une relation arbitre-joueur, le contact n’est pas approprié. La réciproque est vraie pour les arbitres qui doivent éviter les accusations de « copinage ». Pour être respectés, les arbitres doivent respecter les joueurs. Et le respect passe par une bonne communication mais une absence de contact.
- Point de bonus si score de 3-0 ou plus : Est-il normal qu’une équipe gagnant 3-0 ait le même nombre de points qu’une autre remportant son match 1-0 ou 2-1 ? Comme au rugby, il faut récompenser les équipes offensives qui proposent un jeu plus porté vers l’avant. Cela permettrait de motiver encore plus les équipes à marquer et donc, à ouvrir le jeu. Galvanisés par cette innovation, les joueurs se rueraient davantage devant le but dans l’espoir d’empocher ce précieux point de bonus, peut-être décisif au classement. Les spectateurs y gagneraient aussi en assistant à des matchs plus ouverts avec plus de buts grâce à un jeu déployé.
- Stopper le chrono en cas d’arrêt de jeu : Il faut en finir avec ces polémiques du nombre de minutes de temps additionnel. Systématiquement contesté (et pour cause il est très subjectif car reposant uniquement sur le 4ème arbitre), pourquoi ne pas tout simplement le supprimer et stopper le chrono en cas d’arrêt de jeu comme au rugby ? Les joueurs ne pourraient plus gagner du temps en restant à terre ou bien en traînant pour sortir du terrain. De même, les graves blessures ou la mise en place des murs par exemple auraient lieu « hors temps de jeu effectif » pour ne pas trop empiéter sur le match. La décision de stopper ou de faire reprendre le chrono serait décidée par l’arbitre simplement d’un geste ou d’un coup de sifflet.
- Récompenser les gestes de fair-play : La mise en place d’un carton vert valoriserait et encouragerait les gestes de fair-play. Mais ces cartons auraient une réelle utilité s’ils étaient comptabilisés au classement lors d’une égalité. Par exemple, ils pourraient intervenir juste après le goal-average dans le classement des équipes. Par fair-play, on entend l’aveu d’une faute ou un oubli de l’arbitre rattrapé, notamment. (NB : Cette disposition a été intronisée en Série B italienne avec un premier carton vert distribué en octobre 2016).
- Un remplacement supplémentaire en prolongations : La prolongation déclencherait automatiquement la possibilité d’effectuer un remplacement supplémentaire à condition que les 3 autres aient déjà été faits. Cela amènerait un joueur plus frais que les autres sur le terrain et solliciterait un quatrième remplaçant qui serait resté sur la touche en temps normal. Surtout que d’autres événements peuvent intervenir durant les prolongations comme une expulsion, une blessure, …etc. Il faut donc pouvoir les compenser. (NB : Cette disposition existe en FA Cup (Angleterre) à partir des quarts-de-finale depuis la saison 2016-17). ■