Interview d’Azedine Djerrari- « Le Phoenix », la série documentaire
Du haut de ses 46 ans, Azedine Djerrari souhaite montrer à tous qu’il n’y a pas d’âge pour remonter sur un ring. En sa qualité d’éducateur sportif et de président de l’amicale de boxe olympique, il souhaite offrir un exemple de persévérance à l’égard d’une jeunesse qui doute et qui a du mal à surmonter l’échec, faute de persévérer.
Le message est extra-sportif : il n’y a ni âge ni barrière pour entreprendre.
J’ai eu le plaisir de le rencontrer à la mairie de Villejuif où il travaille en tant qu’agent territorial pour évoquer son projet, objet de la série documentaire « Le Phoenix ».
On sait que tu as effectué une longue carrière professionnelle mais peux-tu commencer par nous rappeler ta carrière amateur ?
J’ai pris ma première licence de boxe scolaire en 1983. Après quelques combats, j’ai eu ma licence de boxe junior à l’âge de 16 ans. J’ai boxé jusqu’en 1990 en amateur avec un total de 50 combats dont deux participations au Championnat de France. A 20 ans, je suis passé « indépendant », terme utilisé à l’époque pour parler de la transition entre la boxe amateur et la boxe professionnelle.
Ton meilleur souvenir et ton pire souvenir en amateur/professionnel ?
Je ne vais pas aborder mes multiples souvenirs mais plutôt mon seul regret. Celui de ne pas avoir été aux Jeux Olympiques. Mon entraineur ne connaissait pas ce monde qui est vraiment un monde de business. Avec le recul, j’ai compris que pour pouvoir prétendre à une carrière pro, il fallait un nombre important de victoires en amateur. Le véritable apprentissage de la boxe pro passe par une réelle maitrise de la boxe amateur : comprendre ce que tu fais sur un ring et t’armer pour une bonne lecture de la boxe. Dès mon passage chez les professionnels, j’ai rencontré des boxeurs durs. Quand je regarde en arrière, ma carrière s’est construite à l’envers à cause du « boxing bussiness ». Quand un boxeur t’appelle pour boxer chez lui, ce n’est pas pour que tu gagnes. Soit tu l’envoies au tapis, soit tu perds. Je n’ai jamais refusé un combat
Peux-tu donner ton avis sur ce sport, de quelle manière a-t-il évolué ?
La boxe anglaise en France doit absolument être revalorisée. Cela devrait changer avec l’arrivée de Malamine Koné qui propose des réunions de boxe de qualité. La boxe anglaise est la seule discipline olympique où l’on a du mal à aligner nos boxeurs. Les pieds-poings remplissent les salles, ils occupent une place non négligeable dans notre société actuelle en répondant à la demande des jeunes. La boxe anglaise a une histoire, un passé sur lequel il faut peut-être s’appuyer pour dynamiser le présente et envisager avec force et conviction l’avenir. Ce n’est peut-être pas le bon exemple mais je vais le prendre quand même : Muhammad Ali. Il a ramené énormément d’argent et de fans à la boxe car il a compris qu’il fallait une histoire : avant le combat, pendant le combat et après le combat. Il a mis en scène les conférences de presse, le show était présent à n’importe quel moment. Ali avait tout compris. Cerise sur le gâteau, il avait un immense charisme.
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« Ce que je souhaite avec ce projet, c’est redonner de l’espoir »
Pourquoi avoir choisi comme nom le « Phoenix » pour ta série documentaire ?
Le Phoenix, ça remonte à 2005 ou 2006. Nasser Lalaoui a vu qu’à 35 ans, j’étais encore frais après mon combat face à un boxeur de 23 ans. Il m’a redonné la flamme et j’ai signé à nouveau avec lui. A l’issue d’un entraînement à Aulnay Sous-Bois, un afficionado est venu me voir et m’a demandé mon âge. En lui répondant, il m’a dit : « Tu es comme le Phoenix ! ». C’est aussi en référence à l’état d’esprit de mon père, celui de ne jamais s’arrêter de vivre malgré les diagnostics des médecins.
Combien de temps s’est écoulé entre l’idée du projet et sa concrétisation ?
J’ai contacté Azdine Ben Yacoub, ancien promoteur de boxe à la même époque que Michel Acariès, qui m’a donné l’idée au mois d’octobre dernier. Il m’a tout de même averti en me disant que beaucoup d’anciens champions avaient déjà fait ce genre de projet. Je lui ai alors rétorqué que ces champions avaient un nom alors que moi non. Je lui ai expliqué qu’à travers à ce projet, je voulais que les gens puissent s’identifier à moi, qu’ils ne disent pas que ce j’entreprends est impossible pour eux car je suis une personnalité. Je suis comme tout le monde. Ce que je souhaite avec ce projet, c’est redonner de l’espoir. Azdine m’a suggéré que je m’autoproduise par le biais de YouTube. J’ai donc fait appel à un de mes anciens élèves, Tony Lucas, chef de projet de la série.
Combien d’épisodes ?
La série est prévue en douze épisodes au rythme d’un épisode par semaine à compter de début 2017.
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« Tu crois en toi ? Tu crois en ton projet ? Avance ! »
A qui s’adresse le message du projet ?
Le message que je souhaite faire passer s’adresse à tout le monde. Ensuite à mon niveau, il est vrai que ma priorité, c’est la jeunesse. Je travaille beaucoup avec des collèges du Val de Marne (94). Lundi et mardi dernier avec l’équipe du projet, nous étions à Limeil-Brévannes. Après la projection du teaser, nous avons fait le parallèle entre le sport et la réussite scolaire. Dans la vie, il faut être régulier comme dans le sport. Pour illustrer mes propos, je prends souvent l’exemple de Zidane : il n’est pas devenu Zidane en rêvant mais en s’entraînant. Les jeunes ont tendance à voir le produit fini, croire que tout est écrit par avance et qu’ils n’y arriveront pas. Le mot d’ordre c’est le travail, dans le sport comme dans la vie.
Ton projet est-il soutenu par la Fédération Française de Boxe ?
Nous n’avons aucune réponse pour le moment mais on ne désespère pas, ça ne serait que du positif.
Qu’en est-il des parrains ?
Frédéric Ester, c’est un véritable ami, il est honnête et loyal ; il a été franc lorsque je lui ai présenté le projet. Il a eu un doute mais quand il a vu ma détermination à l’entraînement et ma perte de poids, il a cru en mon projet. Je suis heureux et fier qu’il soit le premier parrain du « Phoenix ». Il symbolise bien le projet. Suite à son échec au championnat de France amateur, il est devenu champion d’Europe en 1998. C’est ça le Phœnix ! A nos côtés, on aimerait aussi avoir un parrain musical comme Grand Corps Malade. Il est investi à fond dans la jeunesse, ça serait génial
· « On peut dire que je suis le jeune des vieux »
Peux-tu me parler du combat ?
On voit cet événement comme une fête. On veut promouvoir la jeunesse. En plus de mon combat, il y aura des assauts libres de jeunes boxeurs ainsi que des spectacles d’école, le tout accompagné par un ami violoniste de renom. Concernant mon combat, je veux un combat technique. Une vraie démonstration de boxe mais ça dépend de l’adversaire. On n’a pas encore d’adversaire précis mais ce qui est sûr, c’est qu’il sera plus jeune d’au moins dix ans. Si je n’arrive pas à monter l’événement dans ma ville, je boxerai à l’étranger avant de revenir avec encore plus de légitimité.
La victoire n’est pas essentielle pour moi, c’est le défi. Je gagne mon combat si je monte sur le ring.
N’est-ce pas dangereux pour ta santé ?
Le risque est au maximum calculé au niveau de ma santé grâce à mon hygiène de vie. C’est un de mes anciens élèves qui est aujourd’hui médecin qui me suit. Après, le risque zéro n’existe pas et heureusement, sinon ça manquerait de piment. Mais une chose est sûre, je suis conscient de mon âge et je sais ce que je fais.
La suite ?
Si le combat en juin/juillet se passe bien, la grande opération c’est la Halle-Carpentier en avril 2017. On n’a pas choisi ce lieu par hasard, au contraire, il y a plus de 4000 jeunes pendant les vacances scolaires. Toujours dans la même optique, une fête de la jeunesse avec des spectacles et des assauts éducatifs.