Jérémy Clément : “C’est dans le derby qu’on peut rendre les gens heureux”

Jérémy Clément

Ancien milieu de terrain de l’AS Saint-Etienne et de l’Olympique Lyonnais, Jérémy Clément a accepté de répondre à nos questions sur le derby, ce rendez-vous si spécial qui opposera ses deux anciens clubs ce dimanche soir.

Que représente le derby quand on est joueur ?

J.C. : C’est un match particulier parce qu’on oublie tout le reste. On le joue en parallèle des autres journées de championnat. C’est un match où on joue vraiment pour les supporters, pour la ville, pour le club. Si on veut réussir à rendre les supporters et les gens heureux, c’est dans le derby qu’on peut le faire.

Comment préparer un derby de la meilleure façon possible ?

J.C. : Franchement, je trouve qu’il n’y a pas de vérité. Par exemple, j’ai le souvenir du derby que l’on gagne 3-0 chez nous (le 30 novembre 2014, NDLR). Le match intervenait 3 jours après la Coupe d’Europe, on avait joué le jeudi. Je me rappelle qu’on était fatigués, on accusait le coup. On était émoussés physiquement, mais ça ne nous avait pas empêchés de faire un match avec une intensité de tous les instants. C’est pour ça que je dirais qu’il n’y a pas de vérité sur la préparation d’un derby. C’est un match tellement particulier. Chaque joueur le prépare à sa façon et l’objectif est d’être prêt au coup d’envoi. Tout ce qui se passe avant, c’est du folklore, du vent, des paroles. L’important, c’est quand on entre sur le terrain et que le match commence.

Dans un derby, l’état d’esprit dépasse-t-il toute considération tactique ou technique ?

J.C. : C’est un match si particulier qu’il y a d’autres enjeux que la tactique. On demande aux joueurs d’aller puiser des ressources mentales, d’aller chercher au plus profond d’eux-mêmes. Ça dépasse le cadre tactique et technique, il faut aller chercher autre chose. Il y a vraiment une autre dimension, ça rejoint ce que je disais par rapport aux supporters, au club, aux traditions de la ville.

Vous avez disputé des derbys avec le maillot des deux clubs. Avez-vous remarqué des différences entre Saint-Etienne et Lyon dans la façon d’aborder ce rendez-vous ?

J.C. : Non, ce sont des matches très importants d’un côté comme de l’autre. Il y a une vraie rivalité et il faut continuer à garder cet aspect-là. Ce sont des super matches à jouer, des émotions à vivre, c’est ce qui fait le charme du football. Alors oui, il y a parfois des gestes ou des scènes qu’on ne veut pas voir, c’est certain, mais ce côté rivalité fait partie du folklore, de l’histoire du foot, de l’histoire de cette région. Il faut qu’on le garde parce que le foot sans ces émotions, ça serait plus triste.

Le fait d’être formé à Lyon vous a-t-il traversé l’esprit au moment de signer à Saint-Etienne en 2011 ?

J.C. : Bien sûr. Forcément, en ayant joué à Lyon de mes 13 ans à mes 20 ans. Mais comme je l’ai toujours dit, ce sont les aléas d’une carrière. Pour atténuer la chose, j’avais fait deux clubs entre les deux, Paris et les Glasgow Rangers. À Lyon, je n’étais pas un joueur identifié OL comme certains pouvaient l’être. Je n’étais pas titulaire indiscutable, on se rappelle plus des Juninho, Govou ou Coupet, qui étaient vraiment marqués OL. Moi, j’étais formé au club, j’étais joueur lyonnais, mais les gens me voyaient avec un peu plus de distance.

“Peut-être que le derby arrive au bon moment pour les Stéphanois”

Parlons du match de ce dimanche. Les Verts n’arrivent vraiment pas dans le costume de favori…

J.C. : Ils n’arrivent pas dans le costume de favori mais, encore une fois, ça ne veut rien dire. Ça peut être le match particulier qui va les relancer, les remettre en selle. J’ai entendu à droite à gauche que le derby n’arrivait pas au bon moment, mais j’ai peut-être envie de dire le contraire. Peut-être qu’il arrive au bon moment, parce qu’ils n’ont plus rien à perdre, parce qu’ils sont dos au mur. Pour les Stéphanois, c’est le bon moment pour faire un match référence et lancer leur saison.

Quel regard portez-vous sur la mauvaise passe que traversent les Verts actuellement ?

J.C. : C’est toute la complexité d’une équipe où il y a beaucoup de jeunes. Pour avoir connu plusieurs clubs et plusieurs groupes, on oublie l’importance des anciens. Une saison est longue, un vestiaire a besoin de cadres, d’expérience. Sans dénigrer la qualité de la formation stéphanoise, je pense que cette équipe de Saint-Etienne manque de joueurs d’expérience, qui ont connu la Ligue 1, qui ont connu la difficulté. Il en faut si on veut vivre une saison de la meilleure des façons.

Vous avez disputé votre premier derby à l’âge de 20 ans, le 26 février 2005 avec Lyon. Sachant que Saint-Etienne va se présenter au Groupama Stadium avec un effectif très jeune, comment appréhende-t-on un derby à cet âge-là ?

J.C. : D’un côté comme de l’autre, les jeunes Lyonnais et les jeunes Stéphanois sont formatés à jouer ces derbys. Ils les pratiquent depuis des années, que ce soit en U17, en U19 ou en équipe réserve. Ils ont l’habitude de les jouer. Là, c’est particulier parce c’est un derby avec les seniors, en Ligue 1, mais l’esprit est le même. Cette rivalité entre les deux clubs, elle est identique chez les jeunes et chez les adultes. Si j’avais un conseil à leur donner, ce serait de le vivre pleinement. Il faut dédramatiser l’évènement : certes c’est un match important, mais on fait une carrière professionnelle pour vivre ces moments, ces émotions. Je leur dirais de profiter de la chance qu’ils ont de jouer un derby. Combien de jeunes voudraient être à leur place ?

Le huis-clos du Groupama Stadium peut-il avoir un impact sur la rencontre ?

J.C. : Ce n’est pas pareil, forcément. Le contexte sera différent. De là à dire que ça va jouer sur la rencontre, je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que c’est dommage parce qu’on préfère jouer des derbys avec des supporters, avec de l’ambiance, même si elle est hostile. Malheureusement, on vit dans une période compliquée pour tout le monde donc il faut faire avec. Mais c’est triste pour le football et pour les acteurs, qui seront les premiers à pâtir de l’absence des supporters.

Il n’y aura pas non plus de supporters au centre d’entraînement pour le départ du bus stéphanois à Lyon, un moment habituellement marquant…

J.C. : Ce sont des choses marquantes, c’est sûr. C’est dommage pour ceux qui vont vivre leur premier derby. Ils n’auront pas la chance de vibrer comme on vibre habituellement lors d’un derby.

Quel sera le principal danger à surveiller côté lyonnais ?

J.C. : Je pense que Lyon a une équipe complète. Si on compare avec Saint-Etienne, ils ont beaucoup plus d’expérience, à chaque ligne. Je ne citerais donc pas un joueur en particulier, je dirais plutôt l’expérience de ce genre de matches. Ils ont l’habitude de jouer des matches à enjeu, des matches de Ligue des Champions, alors que la jeunesse peut parfois être prise par le contexte. On en revient à cette expérience, mais dans les grands matches elle peut être importante.

Pour terminer, quel est votre pronostic ?

J.C. : Je vois bien Saint-Etienne ne pas perdre, pour stopper cette série de mauvais résultats et relancer la machine. Je dirais donc 1-1. Comme ça, je ne me mouille pas (rires) !

Crédit photo : asse.fr

Vous avez aimé cet article ?

Partager sur Facebook
Partager Twitter
Partager sur Linkdin

LAISSER UN COMMENTAIRE