Il existe de ces joueurs qui, à l’instar du bon vin, se bonifient avec l’âge. Eder Citadin Martins, plus connu sous le simple nom d’Eder, en fait partie. Eclairage sur un attaquant qui, à 29 ans, commence à se faire un nom de l’autre côté des Alpes.
Un début de carrière compliqué.
Eder naît au Brésil, dans la petite ville de Lauro Müller qui – malgré sa consonance allemande – fut colonisée par des italiens à la fin du XIXème siècle. Les prémices d’une histoire d’amour tumultueuse avec l’Italie. Il fait ses premières gammes balle au pied dans les clubs de sa région, avant d’intégrer le centre de formation de Criciùma, club qui évolue alors en Serie B (2ème division du championnat brésilien). Il n’y restera qu’un an avant de s’envoler, dès l’âge de 19 ans, vers l’Italie. Empoli débourse la somme de 550 000 euros pour s’attacher ses services. C’est le début de ce qu’on pourrait appeler “les années galères” pour le robuste attaquant qui va beaucoup cravacher avant de faire son trou.
De 2005 à 2007, il évolue avec la Primavera (les équipes jeunes). C’est seulement le 18 mars 2007 qu’il joue son premier match en pro, face à la Lazio au Stadio Olimpico. Il totalisera 5 matchs durant cette saison et n’inscrira pas le moindre but. Ne parvenant pas à se faire une place au sein de cet effectif, barré notamment par un certain Giovinco, il quitte le club au mercato d’hiver en janvier 2008 pour rejoindre la Serie B et le club de Frosinone, histoire de se faire les dents. Et c’est en deuxième division italienne qu’Eder inscrit ses premiers buts en professionnel. En deux saisons, il totalise 20 buts en 52 rencontres. Suffisant pour qu’Empoli – redescendu en Serie B – le rapatrie pour la somme de 2,3 millions d’euros, en juin 2009.
Lors de la saison 2009-2010, alors âgé de 23 ans, Eder explose. Ses statistiques parlent pour lui : 27 buts en 40 matchs de championnat et le titre honorifique de meilleur buteur de Serie B. Il porte l’équipe à bout de bras mais ne permet pas à son club de remonter en A, échouant à une décevante 10ème place. Mais Eder n’entend pas rester en deuxième division. Alors que le Milan lui fait les yeux doux, il préfère ne pas brûler les étapes et décide de rejoindre le promu Brescia. Très attendu après sa brillante saison à l’échelon inférieur, Eder déçoit malgré la confiance de son entraîneur. Il inscrit 6 buts en 36 matchs et ne parvient pas à empêcher la descente du club. Une nouvelle fois, il fait ses valises direction Cesena – promu en Serie A – pour la somme de 5 millions. 6 mois, 19 matchs et 2 buts plus tard, il s’apprête à un nouveau départ – son 4ème club en 5 ans – direction la Sampdoria, sous la forme d’un prêt.
C’est donc un retour en Serie B pour Eder, qui ne parvient toujours pas à franchir un véritable palier. Mais ce départ pour la Sampdoria s’avère être le début d’une nouvelle carrière pour lui. Ses 6 premiers mois sont plutôt bon (5 buts en 20 matchs), suffisants en tout cas pour permettre à son club de retrouver l’élite un an après sa relégation. Dans cette campagne, il aura notamment été décisif en inscrivant un but et en délivrant une passe décisive lors de la victoire face à Sassuolo (2-1) en play-off d’accession à la Serie A.
Les maillots changent mais pas le visage
Un joueur humble, travailleur et désormais « tueur »
Au terme de cette saison, la Samp décide de s’attacher définitivement les services du joueur contre 3,5 millions d’euros. Eder semble avoir enfin trouvé de la stabilité au sein d’un environnement dans lequel il parvient à exprimer pleinement l’étendu de son talent.
Oui car du talent, il en a. Son mètre 78 et ses 74 kilos lui permettent d’entrer dans la catégorie des petits attaquants au gabarit imposant, dans le même genre qu’un certain Carlos Tevez. Combatif sur le terrain et jamais dans la retenu au niveau de l’engagement, il a ce côté guerrier qui rappel ses racines sud-américaines. Mais réduire les qualités d’Eder à son physique serait reducteur. Il possède, en effet, un bagage technique nécessaire pour ce type d’attaquant. A l’aise balle au pied, souvent bien placé, vif, bon de la tête, doté d’une belle qualité de passe mais également d’une puissance de frappe importante. Finalement, Eder possède la parfaite panoplie du buteur. Et cette saison plus que les autres, il commence à développer un côté « tueur ». Il ne faut pas – ou disons plus – beaucoup d’occasion au natif de la commune de Lauro Müller pour mettre la balle au fond des filets. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il est aujourd’hui co-meilleur buteur de Serie A avec 9 buts en 12 rencontres.
Mais revenons rapidement à sa période à la Sampdoria. Ses deux premières saisons en Serie A sous le maillot Blucerchiati sont encourageantes puisqu’il plante 19 pions. Et le virage ambitieux que va prendre le club, après ses deux saisons dans l’élite où se maintenir était la seule vraie ambition, va lui être bénéfique. C’est donc durant l’été 2014 que le club prend une nouvelle tournure. Edoardo Garrone, président du club depuis 2002, décide de vendre son bien au fantasque producteur de film, Massimo Ferrero, qui est par ailleurs un passionné de football. Il ne se cache d’ailleurs pas d’être un grand sympathisant de la Roma ainsi que de la Salernitana. C’est en tout cas le début d’une nouvelle ère pour le club qui aspire désormais à jouer les places européennes. Eder est alors au centre du projet. Au club depuis maintenant 2 ans et demi, il va, lors de cette saison, devenir le leader d’attaque du club. Un rôle qu’il a patiemment attendu et qu’il affectionne. L’attaquant brésilien montre qu’il n’a pas peur des responsabilités en finissant meilleur buteur du club avec 9 réalisations. La Samp’ réalise une saison de toute beauté puisqu’elle termine à une 7ème place synonyme de qualification pour les tours préliminaires de l’Europa League. Un retour au premier plan donc, pour ce club historique du championnat italien auquel Eder n’est pas étranger.
Le parfait profil du tueur.
L’euro 2016 en ligne de mire
Les bonnes prestations d’Eder lors de cette saison n’ont pas laissé indifférent un certain Antonio Conte, sélectionneur de l’Italie. D’autant que cela fait maintenant 10 ans qu’il a rejoint La Botte, ce qui signifie qu’il est désormais possible pour l’italo-brésilien d’évoluer avec la Squadra Azzura. Actuellement en pleine reconstruction après deux éliminations successives en phase de poule des Coupes du Monde 2010 et 2014, la Nazionale est également orpheline d’un véritable attaquant depuis maintenant quelques années. Entre les retraites internationales plus ou moins annoncées de certains joueurs comme Totti, Del Piero, Inzaghi ou encore Toni, les blessures à répétition de Guiseppe Rossi – potentiellement le meilleur attaquant italien – et l’irrégularité chronique de joueurs comme Balotelli, Antonio Conte fait face à un immense chantier. Ce dernier a donc décidé de laisser une chance à Eder et c’est suite à sa bonne saison dernière que le désormais italien va honorer sa première sélection, en mars 2015. Alors que l’Italie est menée 2 à 1 face à la Bulgarie en match de qualification pour l’Euro, Conte décide de faire entrer Eder en lieu et place de Simone Zaza. Il ne faudra alors que 25 petites minutes au néo-italien pour briller. On joue la 84ème minute de jeu lorsqu’Eder reçoit une passe de Chiellini à l’entrée de la surface. Dos au but, il se retourne grâce à un crochet qui laisse son vis-à-vis sur place et enchaîne d’une merveille de frappe enroulée qui vient se loger dans le petit filet du gardien bulgare, complètement battu. 2-2 score final et l’Italie peut déjà se projeter en France, où se jouera l’Euro en juin prochain.
Depuis ce 28 mars 2015, Eder a porté 7 fois de plus le maillot Azzurro. Il a également inscrit un nouveau but face à l’Azerbaïdjan, toujours en match de qualification pour l’Euro, en Octobre dernier. Ce qui porte son total à 2 buts marqués en 8 sélections. Et ses bonnes prestations en équipe nationale n’ont pas laissé Antonio Conte insensible puisqu’il l’a titularisé à deux reprises lors des deux derniers matchs amicaux (face à la Belgique vendredi dernier et face à la Roumanie hier). Et si Eder n’est pas parvenu à trouver le chemin des filets lors de ses deux rencontres, il fait dorénavant partie des premiers choix en attaque dans l’esprit du sélectionneur. A lui de poursuivre ses bonnes prestations actuelles avec la Sampdoria s’il veut être du voyage en France. On voit en tout cas mal comment Conte pourrait se passer de lui s’il continue à enfiler les buts comme des perles en championnat.
A quelques mois du début de l’Euro, Eder a l’occasion de gravir un véritable échelon dans sa carrière et d’enfin devenir un attaquant de référence en Italie, d’abord, puis en Europe. Ce serait en tout cas une belle récompense pour ce joueur qui a longtemps galéré en 2ème division avant de finalement parvenir à faire son trou au plus haut niveau.
Buona Fortuna Eder !